Dimanche 1° novembre
Mon voisin de chambre a voulu dormir toute la nuit avec le gros ventilateur,
résultat, pour une fois qu'il n'y avait pas de bruit à l'extérieur,
si ce n'est le sac et le ressac de l'océan, il y en avait à
l'intérieur !
Lorsque nous partons à la plage, le propriétaire des
cabañas nous apprend que ceux qui doivent nous rejoindre en bateau
ont appelé et ont eu des problèmes avec les garde-côtes...
Nous apprendrons plus tard dans la journée qu'ils avaient oublié
une seule formalité, mais les autorités sont très
dures ici à ce sujet, à cause de l'émigration vers
Porto-Rico et du trafic de la drogue.
Replage, puis nous repartons sans les marins qui sont encore dieu sait
où. Nous nous arrêtons encore chez le poissonnier qui cette
fois à quelques poissons à nous proposer, et des crevettes
fort appétissantes, nous en prenons deux kilos de chaque.
Ce ne fut pas le seul arrêt, puisque nous nous sommes arrêtés
dans la moitié de chacun des 20 colmados que compte le parcours
pour acheter de la bière fraîche... En comptant les "arrêts-pipi
", cela fait que l'on met une heure de plus pour rentrer.
Et c'est avec une délectation non dissimulée, que nous
dégusterons le soir les pâtes aux crevettes ; j'en salive
encore.
" Vous en telle ou meilleure pensée réconfortez votre malheur, et buvez frais si faire se peut. " (François Rabelais)
Lundi 2
Ce soir, je suis invité par Cira pour sortir manger. " La poêlée " où elle voulait m'emmener était fermée, nous sommes donc allés au "tacos del Sol " où, comme son nom l'indique, on mange islandais. J'ai été agréablement surpris pour de la nourriture d'une chaîne (petite il est vrai) de restaurants. Nous finissons la soirée au bar de la casa de Bastidas, en face du fleuve et d'une Piña Colada, comme il se doit.
" Le tact dans l'audace c'est de savoir jusqu'où on peut aller trop loin. " (Jean Cocteau)
Mardi 3
Les derniers grains de riz de fret humanitaire ont quitté la maison de France pour la province de Higüey. En d’autres lieux, le cyclone Mitch a lui aussi fait des dégâts d’une autre ampleur.
« Qui laisse une trace, laisse une plaie. » (Henry Michaux)
Mercredi 4
Ce matin, je vais remettre au directeur de l’institut de cardiologie, en compagnie du directeur de la société médicale Franco-Dominicaine, une dizaine de pacemakers. Ceux ci seront offerts à des patients qui n’ont pas les moyens de s’en acheter un. Ils ont été offerts par l’hôpital Saint Joseph de Marseille.
«Les occasions sont indifférentes, l'usage qu'on en fait ne l'est pas. » ( Epictète v. 50-v. 125)
Jeudi 5
Ma voiture est enfin repartie au garage, où on me dit que c’est moi qui ne sait pas conduire ! En plus, le trafic ne s’arrange pas, et les taxis en ont vraiment ras le bol, ça ne doit pas être facile pour eux.
«Il y a beaucoup moins d'ingrats qu'on ne croit; car il y a bien moins de généreux qu'on ne pense. » (Charles de Saint-Evremond)
Vendredi 6
Ce soir, et pour la première fois depuis que je suis ici (quatre
mois donc bientôt...) je vais au cinéma ! Nous y allons avec
Eric, Guy, Carmelina, Denis, Yira et Philippe. Le Palacio, où nous
allons, est un complexes de salles sur la 27 de février. Le prix
est de 45 pesos. Les gens font la queue pour acheter un pot de pop-corn.
La salle où nous allons voir le nouveau Zorro, est assez petite,
avec un écran légèrement abîmé, et un
son franchement pourri. Mais le flm fait oublier ces quelques inconvénients,
et nous passons un moment très agréable.
Nous finissons la soirée au restaurant « Les fondues ».
« Ils ignorent que les épées sont données pour que personne ne soit esclave. » (Marcus Annaeus Lucanus)
Samedi 7
Toute la bande est partie tôt ce matin pour Mitches, en dessous de la baie de samana. Bénédicte, Valérie, Eric et moi ne pouvons pas y aller car nous travaillons Lundi (c’est une fête Dominicaine). C’est donc encore une journée repos, gastronomie et sport, avec un petit tour du côté du parc « Mirador del Sur ».
« Ne dites pas: la vie est un joyeux festin;
Ou c'est d'un esprit sot, ou c'est d'une âme basse.
Surtout ne dites point: elle est malheur sans fin;
C'est d'un mauvais courage, et qui trop tôt se lasse. »
(Moreas)
Dimanche 8
J’ai commencé un livre de Marcos vargas Llosa sur la vie d’un étudiant dans un lycée militaire de Lima, au Pérou... Pas triste !
« L'une des plus grandes sagesses en l'art militaire, c'est de ne pousser son ennemi au désespoir. » (Montaigne)
Lundi 9
Aujourd'hui est un jour férié dominicain, mais comme nous travaillons dans une institution française, aujourd'hui nous sommes les seuls en République Dominicaine à venir au bureau. Ca a ses avantages, au moins nous sommes tranquilles, et il n'y a pas d'embouteillages.
" ... on nous ruine en fêtes; L'une fait tort à l'autre; et Monsieur le curé De quelque nouveau saint charge toujours son prône. " (Jean de la Fontaine)
Mardi 10
Voilà deux jours qu'il pleut quasiment sans interruption.
Nous allons avec Eric et Bénédicte pour aller visiter
nos futurs locaux, provisoires, en attendant que les travaux de la maison
de France soient terminés. Malheureusement, je ne verrais pas la
nouvelle maison de France, à ce moment là, je serais loin,
normalement.
« Yo creia que la ruta pasaba por el hombre, y que de alli tenia que salir el destino.» (Pablo Neruda)
Mercredi 11
Ce soir, l’orchestre symphonique national donne un concert de musique
italienne, en faveur des victimes du cyclone d’une paroisse du pays. C’est
le seul Français de l’orchestre, violoncelliste, qui va le diriger
pour la première fois en tant que chef associé. François
Bahuaud, avait été engagé pour un an avec quinze autres
collègues Français il y a quarante ans. C’est le seul à
être resté, après s’être marié à
une Dominicaine.
J’en profite pour venir assister à la répétition
générale le matin. Il y a parmi d’autres œuvres, trois concertos
pour respectivement, violon, hautbois et trompette. Les solistes sont tous
les trois de l’Europe de l’est : comme beaucoup de membres de l’orchestre,
ils ont fui le climat de leur pays vers des cieux plus cléments.
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous! » (Karl Marx)
Jeudi 12
Ai reçu un agenda avec des images et des peintures de Provence, ça fait du bien par où sa passe, mais un peu de mal aussi...
"Gai lesèrt, bèu toun soulèu! L'ouro passo que trop lèu, E deman plòura bèlèu." (Frédéric Mistral)
Vendredi 13
Un ancien coopérant de la République Dominicaine Est arrivé ce soir pour venir passer la fin de semaine, en voilà encore un qui serait volontiers resté.
"Il est peu d'hommes enclins à rendre hommage, sans quelques mouvements d'envie, au succès d'un ami." (Eschylle)
Samedi 14
Les voilà partis une fois de plus pour l'île Saona, me voilà resté seul une fois de plus. Ce soir nous retentons la Poêlée avec Cira. Les crêpes y sont fameuses, le patron en est Français.
"Le pays est partout où l'on se trouve bien, La terre est aux mortels une maison commune." (Robert Garnier)
Dimanche 15
Ce soir, sortie au cinéma en compagnie de Carmen, Cira, et Cosette. Une comédie américaine qui ne mérite pas même dont je me souvienne le nom.
"Les jeunes consciences ont le plumage raide et le vol bruyant." Henry Michaux)
Lundi 16
Suis en train de lire "Les chemins de la mer", de François Mauriac.
Soit je ne suis pas en condition pour apprécier cette littérature,
soit ça ne m'apporte vraiment rien.
Je devrais lire plus de livres en Espagnol, mais la médiathèque
et sa médiathécaire sont tellement attirantes.
"On ne choisit pas ce qu'on voudrait." (Georges Duhamel)
Mardi 17
Pour cette nuit on nous annonçait une pluie d'étoiles filantes exceptionnelle. Heureusement, car je n'en ai vu qu'une. Par contre, j'ai vu beaucoup plus de lucioles. Elles sont beaucoup plus intéressantes qu'en France, car elles volent et elles clignotent!
"De la femme vient la lumière." (Louis Aragon)
Mercredi 18
Aujourd'hui arrive Mathieu, un camarade de Guy, qui est actuellement en coopération au Mexique. Ce soir, Cira, sa soeur Patricia, et deux autres copines viennent à l'appartement avec des Tacos qu'elles ont préparé: délicieux (Cette fois, celles-ci incluses).
"Las apariencias son bellas en esta su verdad momentánea." (Octavio Paz)
Jeudi 19
Il est des circonstances, techniques et humaines, où l'emploi de l'informatique, si l'on fait le compte de toutes les ressources mises en œuvres, s'avère une perte de temps considérable.
"... Eternellement la science des maîtres passera dans le cœur des disciples, dans un grand silence attentif, comme cette huile rousse de mes collines qui coule du pressoir dans la jarre par un long fil d'or immobile, sans faire de bulles, sans faire de bruit." (Marcel Pagnol)
Vendredi 20
J'ai testé aujourd'hui un petit service fort sympathique, fourni par une société américaine du nom de "Net2Phone". Comme son nom l'indique, cette société se charge de transférer des appels téléphonique depuis le réseau Internet depuis le réseau téléphonique. Autrement dit, on se met devant son ordinateur, avec un micro et des enceintes, et on peut appeler n'importe quel téléphone dans le monde entier, à des prix défiant toute concurrence (7 cents la minute pour appeler la France d'ici). Evidemment, le réseau étant ce qu'il est, la conversation n'est pas aussi confortable que depuis un téléphone, mais bon, à ce prix là...
" La voix est un second visage. " (Gérard Baüer)
Samedi 21
Toute la bande est partie à l'île Saona.
Le temps est devenu définitivement plus clément ici,
le drap est plus que supportable la nuit. J'ai une pensée émue
pour mes camarades de Moscou qui supportent à peu prés la
même température que moi, mais dans le négatif.
" Le changement est toujours agréable. " (Euripide)
Dimanche 22
Voilà deux jours que les averses se succèdent presque
sans répit. Je découvre avec avidité l'écriture
de Marguerite Yourcenar, à travers " Quoi ? L'éternité.
". C'est d'autant plus formidable qu'elle emploie un Français plus
que parfait, parsemé de mots dont je n'aurais pas même soupçonné
l'existence.
Je pars en fin d'après-midi courir au parc, espérant
pouvoir passer entre les gouttes, mais finalement, ce n'est pas si désagréable
de courir sous la pluie, il faut simplement ne pas oublier de prendre des
vêtements secs.
"La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres. Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres D'être parmi l'écume inconnue et les cieux! " (Stéphane Mallarmé)
Lundi 23
Je maîtrise désormais comme un chef la fabrication du pain, c'est on ne peut plus agréable de pouvoir manger du pain maison au petit déjeuner ...
" Crois-tu qu'on puisse être bien tendre lorsqu'on manque de pain? " (Abbé Prévost)
Mardi 24
Philippe Entremont, Chef d'orchestre et pianiste Français dirigera
demain l'orchestre symphonique national. J'en profite pour aller écouter
la répétition de cet après-midi qui laisse présager
un agréable concert.
François a reçu sa confirmation de prolongation de mission,
il restera donc parmi nous 6 mois de plus. Il exulte de joie, et après
avoir mangé un délicieux filet au poivre, nous nous retrouvons
tous au Karaoké Bar, où l'ambiance est tellement bruyante
et enfumée que je n'y resterais pas longtemps.
" Vivre tranquille en sa maison, Vertueux, ayant bien raison, Vaut autant boire du poison. " (Charles Cros)
Mercredi 25
Nous arrivons en retard au concert (Ah, ces femmes...), mais l'ouvreuse finit par nous laisse rentrer au milieu du concerto pour piano de Beethoven. Lequel n'a rien de transcendant... La symphonie de Tchaïkovski qui suit pourrait être superbe si elle était un peu mieux interprétée. L'orchestre a visiblement du mal à trouver ces marques avec ce chef qu'il ne connaît pas.
" Un idéaliste est quelqu'un qui, remarquant qu'une rose sent meilleur qu'un chou, conclut qu'elle fera une meilleure soupe. " (Henry Louis Mencken)
Jeudi 26
Avec toutes les décorations de Noël qui ont fleuri de part toute la ville, les centrales électriques doivent être en surchauffe, ce qui explique que nous ayons de fréquents " apagones ". Je me doit à ce sujet de transcrire un vocabulaire employé ici, que je trouve très mignon : " se fue la luz " (la lumière est partie ) et " Llego la luz " (la lumière est venue). Bref, tous les bâtiments officiels ont revêtus leurs façades lumineuses, et les particuliers ont tous leur sapin (généralement de plastique) décoré avec bon goût. Même le quartier général de la police a érigé dans sa cour un Christ resplendissant.
" Tant crie l'on Noël qu'il vient. " (François Villon)
Vendredi 27
A prés avoir payé l'amende de 5 pesos pour avoir rendu un CD en retard à la médiathèque, je propose à Elisa de l'amener à son cours d'espagnol, de l'autre coté de la ville. C'est un quartier populaire aux rues tracées au cordeau, mais souvent en mauvais état, et parfois très sales avec cette pluie incessante. Après y avoir tourné plus d'une demi-heure, nous devons renoncer à son cour d'Espagnol, et je la ramène chez elle.
" A son lit de mort, l'homme songe plutôt à élever son âme vers Dieu que des lapins. " (Jean Commerson)
Samedi 28
Aujourd'hui est la kermesse des dames des ambassades. Chaque pays y
a son stand de produits régionaux, plus ou moins typiques suivant
les cas. Nous constatons avec un petit frémissement sur la fibre
patriotique, que la France occupe avec l'Espagne les deux plus grands emplacements
au centre du gymnase. Au menu : vin, conserve, sirop, cosmétiques,
parfums, biscuits ... La cuisine d'Amérique centrale est décidément
délicieuse et n'a rien a voir avec celle que l'on peut ingurgiter
tous les jours ici.
Après un tout au " mirador ", nous mangeons au " Pollo Wasacaka
" pour finir la soirée à une fête indienne à
l'université " UNIBE " à laquelle participent nos deux charmantes
voisines. Cette université est privée (3000 US$ par semestre)
et est de ce fait très bien entretenue, et super bien équipée.
" L'argent a bonne odeur d'où qu'il vienne. " (Decimus Junius Juvenalis)
Dimanche 29
Guy et Eric sont allés à la messe cet après midi, Guy qui n'y était pas allé depuis presque un an a trouvé ça formidable. Ce soir nous sommes invités par Véronique dans son nouvel appartement qu'elle partage avec Paul. Elle n'arrivera finalement qu'à la fin du repas, ayant dû, comme souvent depuis le cyclone, rester très tard à l'aéroport.
" Je n'aime pas travailler, mais j'admets que les autres travaillent. " (Arthur Adamov)
Lundi 30
Rien de particulier aujourd'hui, sinon que je ne me sens pas très bien.
" L'esprit de la conversation consiste bien moins à en montrer
beaucoup qu'à en faire trouver aux autres: celui qui sort de votre
entretien content de soi et de son esprit l'est de vous parfaitement. "
(Jean de la Bruyère)
Tous droits réservés 1998 ©amille Bègnis
Mise à jour le 30 novembre 1998
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