Un Méens à Santo Domingo

Journal

Janvier 1999

Vendredi 1° janvier 1999

Une année qui débute par une bonne nuit de sommeil, c'est rare !
Les Dominicains mangent vraisemblablement en famille ou dehors, puis sortent ensuite. De toute façon, l'activité nocturne est toute concentrée sur le Malecon, où se retrouve tout saint Domingue à danser jusqu’au lever du soleil et sans doute après.
Nous partons (Anne, Elisa, Guy et moi) en début d'après midi vers Barahona, où nous allons longer la côte sud de l'île. La route est très belle, on traverse des villages, des montagnes, parfois on longe la mer.
Nous nous baignons sur une plage de galets à Bahoruco, il y a de belles vagues, c'est très agréable. Au-dessus du village, sur une colline, il y a l'hôtel Casa Bonita, mais il est plein en cette saison, heureusement, une chambre se libère demain.
Nous nous rabattons donc vers Barahona, où nous avions réservé deux chambres dans un petit hôtel de la ville. C'est in extremis que nous avons eu les chambres, car le réceptionniste n'ayant pas pu nous joindre pour confirmer la réservation, avait donné les chambres à d'autres personnes... C'est pas top, mais au moins c'est propre, et nous ne dormirons pas sur la plage.
Nous mangeons le soir dans un restaurant sur le bord de mer, mais la soupe de poisson n'était vraiment pas bonne, et le mérou pas top non plus.

« Si votre ramage se rapporte à votre plumage, vous êtes l’hôte de ces bois » (de la Fontaine)

Samedi 2

Nous nous levons assez tôt pour aller prendre le petit déjeuner à casa Bonita. Nous en profitons à fond, car là où nous allons, dans la réservé naturelle de la lagune d’Oviedo, il n’y aura rien à manger, sinon du flamant rose, mais c’est interdit de le chasser…
La route pour aller là bas est très belle, mais aussi très endommagée par le passage du cyclone : effondrement partiel ou total de la route, ponts écroulés ; le plus grave est que tous ces dangers sont très mal signalés, et de nuit, ça doit être un cauchemar. A l’entrée du parc, un gardien en arme nous demande 50 pesos ; en faisant valoir que nous travaillons ici, nous ne payerons que 20 pesos. Après avoir failli s’embourber, nous continuons à pied jusqu’à la petite mangrove où nous avons aperçu le groupe de flamants roses. Ils doivent être une trentaine en tout, et avec un peu de patience, on peut les approcher d’assez prés. Il y a aussi des hérons, et il paraît qu’il y a aussi une île avec des iguanes.
Sur la route du retour, nous nous arrêtons à Paraiso où il y a un petit lac au bord de la mer alimenté par un torrent d’eau douce. Il y a déjà beaucoup de gens, et beaucoup viennent même avec leur savon pour se laver, heureusement qu’il y a un bon courant d’eau…

« Cette fosse commune de la vie qu'est la promiscuité. » (Jean Giraudoux)

Dimanche 3

Ô douce nuit !
Comme on a d’ici une superbe vue sur la mer, je me suis dit, chouette, je vais me lever tôt pour voir le soleil se lever. Pour commencer, j’avais une heure d’avance sur l’horaire officiel, et puis les nuages ont eu la bonne idée de se concentrer à l’horizon, là ou vous imaginez… Bref, je n’ai pas vu le soleil se lever que trois heures plus tard de derrière les nuages !
Au petit village de San Rafael, se jette dans la mer un petit torrent du même nom. En le remontant, et après avoir passé la zone polluée du bord de la route, on trouve un superbe cadre. Il faudra que nous y retournions pour remonter le cours d’eau plus en amont.
En redescendant, nous mangeons un poisson cuisiné en plein air au bord de l’eau : bien meilleur qu’au restaurant d’avant hier…
Afin d’éviter les Borrachos et la nuit, nous partirons tôt pour la capitale.
Nous mangerons ce soir chez Véronique d’excellentes pâtes à la caille ( !)

« L'eau peut agir sans poisson, Mais le poisson ne peut agir sans eau. » (Lao Tseu)

Lundi 4

Saint Domingue est bien calme en ces périodes de post fêtes. En plus, mercredi est férie ici (fête des rois), et j’ai l’impression que beaucoup de monde va prendre une semaine de pont.

« L'oisiveté exige tout autant de vertus que le travail. » (Paul Morand)

Mardi 5

Nous dînons ce soir chez Philippe, cela fait longtemps qu’il est déjà ici, et il a des histoires absolument incroyables sur les Dominicains. C’est vraiment un peuple formidable.

« L'insouciance est le seul sentiment qui puisse inspirer notre vie et ne pas disposer d'arguments pour se défendre. » (Françoise Sagan)

Mercredi 6

Ce jour est férié pour les Dominicains, et c'est vraisemblablement pour eux une fête plus importante que Noël. C'est en tout cas la fête des enfants, et c'est traditionnellement ce jour là qu'on leur offre des cadeaux. Les familles riches subissant l'influence nord-américaine, ont tendance à faire évoluer cette tradition.

" Pénétrer de présent la tradition elle-même : premier moyen de lui résister. " (Lucien Febvre)

Jeudi 7

Cette soirée est la dernière de Anne en République Dominicaine, et nous nous retrouvons alors tous pour manger à "les fondues ", histoire de se remettre un peu dans le bain ; et enfin café Trio, Atlantico...

"L'angoisse des départs sans main chaude dans la main. " (Léopold Sédar Senghor)

Vendredi 8

Monsieur l'Ambassadeur nous reçoit ce soir dans sa résidence pour souhaiter une nouvelle année à tous les agents de l'ambassade.

" Pour une année où il y a des pommes, n'y a pas de pommes ; mais pour une année où n'y a pas de pommes, y a des pommes. " (Anicet Bourgeois)

Samedi 9

Cet après-midi, nous jouons à la UNPHU (une université privée) avec l'équipe nationale (non officielle) de rugby. Cela faisait déjà plusieurs semaines que nous en parlions, car il se trouve que beaucoup d'entre nous ici (les expatriés) avions envie de rejouer à ce sport. L'équipe dominicaine est composée de joueurs amateurs plus ou moins passionnés qui n'ont vraisemblablement pas un super niveau. Mais ils sont très sympathiques, et c'est ça qui compte au rugby.
Eric a longtemps joué, et c'est lui qui a la lourde tâche de nous entraîner. On s'est bien amusé, Dominicains et Français confondus, jusqu'à la nuit tombée. La troisième mi-temps s'est jouée dans un colmado, et fut aussi longue que les deux premières réunies.

" L'égoïsme et la haine ont seuls une patrie ; La fraternité n'en a pas! " (Alphonse de Lamartine)

Dimanche 10

Aujourd'hui arrive avec quelques heures de retard, par Corsair, Isabelle, une copine d'Eric, qui vient passer une semaine ici.
A 13H, je vais rejoindre Cira et une copine à elle accompagnée de son petit enfant à l'hôtel Continental " Quinto Centenario ". Là, pour 300 pesos, on peut passer la journée à la piscine et descendre manger à volonté au très bon buffet du restaurant qui est au sous-sol de l'hôtel. Formule à retenir.

"  J'ai les dents du fond qui baignent " (Lucien Béroule)

Lundi 11

Ma voiture est encore repartie au garage, toujours pour le même problême, le mécanicien me prend pour un halluciné :

« Mais elle marche très bien cette voiture ! » (Rafael Lopez)
 

Mardi 12

Certains commerçants ont une philosophie un peu particulière. Vous les contactez pour un devis, vous leur donnez tous les moyens pour rentrer en contact avec vous, et finalement : rien ! Face à d’autres entreprises au marketing agressif, d’inspiration nord-américaine, je vois mal comment de telles boîtes pourront survivre lorsque s’établira en république Dominicaine une véritable économie de marché (presque) exempte de corruption.

« Toute pensée qui se bornera aux combinaisons de l'économie politique sera infailliblement trompée dans les grandes affaires humaines. » (Edgar Quinet)

Mercredi 13

Juliette, notre fromagère préférée, (elle travaille chez Yoka, LE fabricant Franco-Dominicain de produits laitiers) est rentrée de son long exil en pays de douce France. Guy ayant depuis plusieurs jours envie de manger des suschui, nous partons à trois au restaurant japonais. J’y mangerais un saumon succulent.

« Voyageur, voyageur, accepte le retour, Il n'est plus place en toi pour de nouveaux visages... » (Jules Supervielle)

Jeudi 14

Ayant téléphoné au conservatoire, on m’a informé que le professeur de trompette y serait à partir de neuf heures. Après l’avoir attendu une demi-heure, Je me renseigne au secrétariat où ils me disent qu’il ne vient que l’après-midi… A part ça, le conservatoire est un beau bâtiment tout neuf au milieu d’un parc, j’espère que j’aurais à y retourner souvent.

« ... Bouche à bouche nous nageons depuis les temps primaires. » (Benjamin Péret)

Vendredi 15

La secrétaire de chez Peugeot me dit que ma voiture est réparée… A vrai dire, je n’y crois plus, mais bon, je suis bien obligé de m’y rendre. Arrivé là-bas, le commercial a beau s’escrimer contre l’accélérateur, rien n’y fait, ils n’ont rien fait. Il faudra que je reste sur le dos du mécanicien pour partir finalement avec un engin en état de marche !

« Faire confiance aux hommes c'est déjà se faire tuer un peu. » (Céline)

Samedi 16

Douze heures de sommeil ne sont pas de trop pour rattraper ma fatigue qui court loin devant. Je profite de cette après-midi tranquille pour cuisiner, et ce soir nous mangerons Bénédicte, Cira, Patricia et Annie, avec des lasagnes et un tiramisu (…euh… non, le contraire !)

Dimanche 17

Vient de finir la traduction française de « A Selva » (Forêt Vierge) du Portugais Antonio de Castro. Témoignage poignant de la dure vie des « Seringueiros » (ramasseurs de caoutchouc) au fin fond de la forêt amazonienne du début du siècle.

« Suis le chemin et ne t'y couche que pour mourir. » (Colette)

Lundi 18

« Me cago en el mar ! »  J’ai oublié d’aller au conservatoire.
J’ai pris pension depuis le début de l’année chez Alvaro, ce doit être le meilleur rapport qualité prix de tout Saint Domingue. C’est petit, il n’y a jamais trop de monde, on y mange très bien pour 59 pesos, tout compris.

« La mer est aussi profonde dans le calme que dans la tempête. » (John Donne)

Mardi 19

La semaine dernière ce fut le rush total eu travail, beau contraste avec ces deux derniers jours où on ne gère que les affaires quotidiennes.

« S'il faut obéir par force on n'a pas besoin d'obéir par devoir.   » (Jean Jacques Rousseau)

Mercredi 20

Les rognons de chez Alvaro m'ont été définitivement fatals... Je ne travaillerais pas ce matin...

" Un esprit solide dans un corps humain, c'est la plus grande force dans la plus grande faiblesse. " (Isocrate)

Jeudi 21

Deux copines d'une copine d'Eric arrivent de Bayahibe aujourd'hui pour prendre leur avion de retour demain. L'une d'entre elle a voyagé un peu partout dans le monde, et dit que les Dominicains pauvres ne sont pas si pauvres que ça, tout le monde a ici de quoi manger, ce qui est vrai.
Ce soir, nous mangeons chez Alvaro, une Parrillada de viandes. Bonne mais sans plus. Il faut qu'un Dimanche, nous allions goûter sa Paella.

" Ce qu'il y a de plus bas au monde, c'est de mortifier la pauvreté. " (Charles Nodier)

Vendredi 22

Départ des deux parisiennes. Elles m'ont appris l'existence, au moins en Amérique latine de "points cœur ". Il s'agit de petits groupes d'occidentaux venant apporter un soutien strictement moral (non pas matériel) à des villages ou des quartiers pauvres ou en difficulté.

" Se donner n'a de sens que si l'on se possède. " (Albert camus)

Samedi 23

L'ambassade ne fermant pas forcément pour les jours fériés dominicains, Eric et moi ne pouvons pas accompagner les autres qui partent en excursion à l'île Beata, à l'extrême sud de l'île.
Nous en profitons pour aller à l'entraînement de Rugby à la UNPHU.

" Celle qui l'a porté veau, peut aussi le porter taureau. " (Pétrone)

Dimanche 24

Je lis en ce moment "L'insupportable légèreté de l'être " de Milan Kundera. Pas facile en espagnol... Sans doute ne l'est-ce pas non plus en Français.

" Qu'il y ait un seul moment où rien ne soit, éternellement rien ne sera. " (Jacques Bénigne Bossuet)

Lundi 25

Ca y est, le début d'année est déjà passé, nous revenons à un calme tout relatif.

" Ce qui nous occupe est quelquefois moins difficile que ce qui nous amuserait seulement. " (Louis XIV)

Mardi 26

Nous sommes vraiment en Hiver, je confirme : malgré des températures tout à fait honorables (minimum 17°C la nuit) les Dominicains se plaignent comme des Français (à -17°C).

" Dins la lengo un mistèri, un vièi tresor s'atrovo... Chasque an, lou roussignòu cargo de plumo novo, mai gardo sa cansoun. " (Frédéric Mistral)

Mercredi 27

Pleins d’entrain, nous voilà parti pour aller courir au parc avec Eric, vers 18H. Ce que nous n’aurions jamais dû faire, est de passer chez François pour lui proposer de nous accompagner… Bref, Cosette et Carmen étaient là, et la nuit aidant, nous sommes restés là à discuter théologie, entre évangélistes, catholiques, déistes et athées.
Nous resterons donc tous à manger ici, il est temps que François aille faire des courses pour accueillir dignement son prochain colocataire.

« J'ai vu partout un Dieu sans jamais le comprendre. » (Alphonse de Lamartine)

Jeudi 28

Avis, Avis, Grand groupe hôtelier recherche personnel d’administration et de secrétariat bilingue Français/Espagnol. Pour toute information : me contacter.

« Je me tiendrai toujours plus obligé à ceux par la faveur desquels je jouirai sans empêchement de mon loisir, que je ne ferais à ceux qui m'offriraient les plus honorables emplois de la terre. » (René Descartes)

Vendredi 29

Grâce aux grèves en France, le vol d’Air France n’a que huit heures de retard aujourd’hui. Bref, Thomas n’arrivera qu’à 1 H du matin cette nuit.

« Deux sortes d'hommes habitent la Terre : ceux qui protestent et ceux qui ne protestent pas. » (Charles-Louis Philippe)

Samedi 30

Ce soir, après l’arrivée de Edouard, un copain d’Eric qui vient passer quelques jours ici, la bande part à l’île Saona.
Je n’aime absolument pas les Hamburgers.
Nous allons manger chez Pepperoni avec Cira.
J’adore les Hamburgers.

« Le goût mûrit aux dépens du bonheur. » (Jules Renard)

Dimanche 31

Cette semaine a été très agitée politiquement et socialement, à cause de deux dossiers sensibles qui sont l’organisme de gestion des fonds des municipalités, et l’organisme chargé des élections.

« Quelle pitié que les politiques ... qui se croient assez forts pour gouverner le monde avec des écus de cinq francs et des gendarmes! » (Henry Lacordère)
 
 

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Mise à jour le 20 Janvier 1999