Mardi 1° décembre 1998
Il n'est plus rare de croiser des gens (le plus souvent des femmes ) avec un bonnet rouge, c'est assez pittoresque sous ce climat. Les magasins aussi sont passés à la mode d'hiver : pulls, manteaux, difficile de trouver un maillot de bain. Il est vrai que les températures sont un peu descendues, mais bon...
" Car l'hiver qui s'apprête A commencé à neiger sur ma tête. " (Clément Marot)
Mercredi 2
Il y a finalement en ville beaucoup de petits accidents, mais sans doute peu de blessés, car on ne va jamais très vite. Par contre, les gens sont tellement habitués à se rentrer dedans, que parfois, lorsqu'il ne s'agit que d'un phare éclaté, ils ne sortent même plus de la voiture.
"Ne cesse pas de reculer derrière toi-même. " (René Daumal)
Jeudi 3
Beaucoup de travail ces jours-ci, pour boucler l'année, mais ça devrait se calmer pour un mois à partir du dix décembre, vu que les Dominicains ne travaillent plus pour faire la fête...
" Il n'est pas pour la civilisation de danger plus redoutable que le fossé que l'on voit parfois s'élargir entre le discours et la coutume. " (Roger Caillois)
Vendredi 4
Ce soir, Véronique et Paul nous invitent tous à une soirée pour inaugurer leur nouveau luxueux appartement. Il y a une trentaine de personnes, et on s'en met plein la panse. A mon avis, les voisins doivent déjà regretter l'emménagement de ces bruyants voisins...
" Les danses s'établissent sur la poussière des morts, et les tombeaux poussent sous les pas de la joie. " (Chateaubriand)
Samedi 5
Ce matin, nous partons à neuf heures et demie (c'est à
dire 10 H. 30, heure de Saint Domingue), pour Jarabacoa. Eric nous a concocté
un week-end rafting qui s'annonce bien. Jarabacoa est une petite ville
du centre de l'île à prés de mille mètres d'altitude,
que l'on atteint facilement en deux heures de route depuis la capitale.
Nous serons hébergés au " Rancho Baïguate " (Aventura
Maxima), qui propose toutes sortes d'activités sportives en montagne.
Le site est très beau, et nous dormirons dans des chambres très
confortables ; il y a même de l'eau chaude. Quoi que vu le temps
qu'il fait, ce ne sera pas du luxe, la patronne nous a clairement dit qu'il
pleuvrait tout le week-end !
De fait, une tentative de sortie est vite remise à plus tard,
au bénéfice d'une partie de tarot. Le soir, après
un repas buffet tout à fait honorable, cette dizaine de Français
va mettre l'ambiance dans la salle, devant des Dominicains médusés
: " c'est trop tôt pour faire la fête ! ".
"Il pleut, il pleut, bergère ... " (Philippe Fabre d'Eglantine)
Dimanche 6
La nuit, seule troublée par le cri des perroquets, sous les couvertures
emmitouflée, fut un réel enchantement. De même pour
le petit déjeuner : œufs, saucisse, pain, pommes de terres aux oignons
rouges, fruits tropicaux.... (Cri du loup à la pleine lune)
Puis c'est le départ en bétaillère vers le torrent
boueux de nos rêves de la nuit. Nous sommes tous équipés
de combinaisons légères, chaussures, gilets de sauvetage,
casque, une véritable expédition. Arrivés sur le lieu
d'embarquement, nous déchargeons les canots, puis après s'être
concertés, les guides nous renvoient 500 m. plus bas car, disent-ils,
le niveau d'eau est trop haut, et le premier tronçon est trop dangereux.
Ce qui déclenche, parmi les novices, des protestations d'enfants
frustrés. A part ce petit incident, la descente se fit tranquillement,
avec, de la part des guides, un professionnalisme démesuré
face aux difficultés, selon moi trop rares. La plupart de la descente
se fit sous la pluie, ce qui n'était pas vraiment gênant,
par contre le retour en camion ouvert, ne fut pas des plus agréables.
Heureusement un bon repas nous réconcilia avec tout et même
avec les guides. Nous partons en milieu d'après midi, afin de ne
pas rouler la nuit. Arrivés à Saint Domingue, après
être passé dans un trou, il y a un problème électrique
sur la voiture, et j'arrive juste chez moi ; Vivement les transports
en commun à Saint Domingue.
"La contrainte te délivre et t'apporte la seule liberté qui compte. " (Antoine de Saint-Exupéry)
Lundi 7
Une nouvelle semaine de dur labeur commence, puisse t elle être fructueuse. Pour les émotions il faudra au moins attendre le week-end.
" Le beau... est le fruit d'une inspiration persévérante qui n'est qu'une suite de labeurs opiniâtres. " (Eugène Delacroix)
Mardi 8
En ce début de mois de décembre, alors que Noël sent partout à plein nez, il me semble incroyable qu'il puisse neiger en France... Et en même temps, je souhaiterais tant avoir froid et me promener sous la neige.
" Il faut... être très poli avec la terre et avec le soleil. " (Jacques Prévert)
Mercredi 9
Ai croisé aujourd'hui un policier en train de faire la circulation... Pas banal. Déjà en temps normal, je les trouve plus comiques qu'efficaces, mais alors là... Il avait des écouteurs sous sa casquette, évidemment du meringue, et nous en faisait profiter à l'aide son sifflet sur lequel il suivait la musique; avec son bâton, il battait le rythme pour faire passer les voitures, le tout accompagné d'un déhanchement peu réglementaire, je le crains. J'ai beaucoup regretté de ne pas avoir eu de caméra à ce moment là...
" La compétence sans autorité est aussi impuissante que l'autorité sans compétence. " (Gustave Le Bon)
Jeudi 10
Après moultes vicissitudes, je me décide finalement à
appeler une grue pour faire réparer la voiture, le mécanicien
ne voulant pas se déplacer et mes tentatives de novice s'étant
soldées par des échecs. Le chauffeur m'annonce 500 pesos,
nous nous mettons naturellement d'accord sur 400.
Du coup, je me fais à nouveau conduire en taxi, ça permets
d'admirer le paysage, vu qu'on n'a plus à concentrer son attention
sur la conduite. Les poubelles au bord de la route sont toutes sponsorisées.
J'imagine la formule : Brugal (LA marque de rhum Dominicain) passe un contrat
avec la mairie pour installer des panneaux publicitaires, en contrepartie,
on accroche des corbeilles sur les poteaux. Même principe pour certains
bancs publics.
" Que peuvent les lois, là où ne règne que l'argent? " (Pétrone)
Vendredi 11
Ô miracle, la voiture est déjà prête. je m'empresse donc d'aller la chercher dés la fin du travail. La facture est salée: 3200 pesos, il a fallu changer le régulateur de tension... Cette voiture commence à me coûter cher.
" Les occasions sont indifférentes, l'usage qu'on en fait ne l'est pas. " (Epictete)
Samedi 12
La bande est partie à Las Terrenas (baie de Samana) ; je reste
ici, car je dois accueillir une copine qui arrive demain de France. J'en
profite pour aller faire quelques courses dans une "Plaza ". Centre commercial
composé de plusieurs petits magasins, mais pas de supermarché.
Ces plazas poussent comme des champignons, pour des fréquentations
souvent dérisoires.
A midi je mange un "burrito " au fast food " Tacos del Sol " qui propose
de la nourriture mexicaine, ma foi fort acceptable.
" On s'accoutume à tout dans l'abondance, il n'y a guère de dégoût dont elle ne console. " (Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux)
Dimanche 13
L'aéroport est en fête, il y a des orchestres un peu partout,
et plus de monde que d'habitude.
Ce soir je prépare des pizzas pour tout le monde de retour de
week-end, tout le monde est bien fatigué en cette fin d'année
où les semaines, ne permettent pas même de se reposer des
week-ends...
" Et pour cet art de connaître les hommes... , je vous dirai, mon fils, qu'il se peut apprendre, mais qu'il ne se peut enseigner. " (Louis XIV)
Lundi 14
Anne a passé la journée dans la ville coloniale, et ce soir, afin de bien rentrer dans l'ambiance : pollo Wasacaka !
" Jean Lapin allégua la coutume et l'usage ... " (Jean de la Fontaine)
Mardi 15
Dernière ligne droite pour le concert de ce jeudi, où nous invitons les Dominicains ayant étudié en France.
" Le doute est un hommage rendu à l'espoir. " (Compte de Lautréamont)
Mercredi 16
Ce soir, nous fêtons l'anniversaire d'Etienne à l'appartement. En plus, il a fini son stage et part de la République Dominicaine Dimanche. Antonia a passé l'après midi à faire le Sancocho. C'est un plat proche du pot au feu Français, à base de différentes racines (Ñame, Yuca, Batata, ...) et plusieurs viandes ; le tout servi avec du riz blanc. D-é-l-i-c-i-e-u-x. Etienne n'était pas au courant de la fête, et le traditionnel gâteau à la crème a donc eu encore plus d'effet...
"Plus le châtiment sera prompt et suivra de près le délit commis, plus il sera juste et utile. " (Cesare Bonesana, marquis de Beccaria)
Jeudi 17
Ce soir, l'ensemble "Ars Nova ", dirigé par François Bahuaud, donne un concert de musique Baroque pour les Dominicains ayant étudié en France. L'ensemble est de bonne qualité.
"Ces gens-là n'auraient rien à dire Si les autres n'avaient rien dit. " (Abbé Charles Cotin)
Vendredi 18
Le service culturel tout entier (agents de service y compris) se retrouve à 14H. pour son traditionnel repas de Noël. Notre cuisinière de choc, Antonia, nous a préparé un jambon tout à fait remarquable. A propos de traditions de Noël, le code du travail dominicain prévois le versement aux employés d’un treizième mois. De plus, il est de coutume d’offrir la «canasta », panier de Noël contenant toutes sortes de victuailles ; en théorie pour pouvoir faire un repas de Noël.
« L'idéaliste a la marche des orteils ; et le matérialiste a la marche des talons. » (Malcolm de Chazal)
Samedi 19
Ce matin nous partons avec Anne en direction de Bayahibe, direction
privilégiée des nouveaux venus. Nous nous arrêtons
en route à San Pedro de Macoris, qui possède une charmante
église et quelques maisons coloniales alentours, intéressantes.
Ensuite, nous passons à Altos de Chavon, où des ouvriers
cassent tous les toits pour remplacer les tuiles canal endommagées
lors du cyclone.
Arrivés à Bayahibe, nous commençons par un plat
de crevettes à la créole : retentissant.
La plage derrière le Dominicus (Club Dominicus Beach) est encore
accessible, mais sera bientôt entièrement encerclée
d'hôtels, et donc inaccessible... En quelques mois, le nombre de
constructions ayant sorti de terre est impressionnant.
Au soir, Etienne, Eric et Guy nous rejoignent. Nous réservons
la lancha que nous prendrons tôt demain matin, car Etienne doit prendre
son avion à 17H.
"Le riche est une brute inexorable qu'on est forcé d'arrêter avec une faux ou un paquet de mitraille dans le ventre. " (Léon Bloy)
Dimanche 20
Au menu : île Saona, piscines naturelles, lambi, plages...
Un entremet pimenté toutefois : Comme il y avait un bon vent,
nous eûmes envie, avec Eric, de louer un petit dériveur. Les
seuls que l'on y trouve sont au Dominicus. Nous y accédons vaillament
par la plage attenante, et après vaines palabres (80 US $ ça
fait un peu cher pour faire un peu de bateau), on se fait agresser par
l'agent de sécurité ! Car nous sommes rentré en fraude,
pour avoir le droit de pénétrer le saint des saints, il faut
avoir au poignet son petit bracelet, bleu ou rouge, selon la prestation
payée. Résultat, le pauvre gardien de la plage d'à
côté qui piquait un roupillon bien mérité en
cet après midi brûlant, s'est fait remonter les bretelles...
"Sur un mince cristal l'hiver conduit leurs pas: Le précipice est sous la glace; Telle est de vos plaisirs la légère surface. Glissez, mortels, n'appuyez pas. " (Pierre Charles Roy)
Lundi 21
Ce soir, les élèves de terminale du lycée Français organisent une soirée au "Schizo " pour payer leur inscription au bac. J'en profite pour aller manger une bonne pizza au Capuccino, tenu par des italiens en face du Théâtre national, en compagnie de Cira.
" Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée. " (Duc de la Rochefoucaud)
Mardi 22
Il existe un mot très imagé en Espagnol, que j’aime beaucoup pour la profondeur de son sens : « resaca » ou ressac en Français, qui caractérise l’état d’une personne au lendemain d’une soirée bien arrosée.
« Les êtres ont la mobilité et l'éphémère durée des vagues ; seules, les choses qui leur ont servi de témoins sont comme la mer et demeurent immuables. » (Edouard Estaunie)
Mercredi 23
Cela fait déjà quelques jours que les rues sont plus calmes,
mais les magasins deviennent de plus en plus désespérément
plein de monde. Nous n’avons pas pu faire les courses et du coup nous sommes
allés manger au restaurant.
Aujourd’hui, Guy est parti en Martinique, et Eric en métropole,
l’appartement est bien calme.
« Les crocodiles n'endommagent que ceux qui les craignent, ni certes la médisance, sinon ceux qui s'en mettent en peine. » (de Sales)
Jeudi 24
Ce soir, messe de minuit à la cathédrale « primada de America », par l’archevêque de saint Domingue, candidat à la succession du fatigué son excellence Jean-Paul II. La messe est entièrement chantée, sauf la première lecture, mais les gens ont l’air endormi et ne participent presque pas, je suis un peu déçu.
« ... Les vices d'un archevêque peuvent être, dans une infinité de rencontres, les vertus d'un chef de parti. » (Jean-François Paul de Gondi Retz)
Vendredi 25
Le repas pris au Neptuno, à Boca Chica, me déçoit
un peu. Ensuite, nous passerons l’aprés midi sur la plage de Guayacanes.
L’hôtel où nous étions allé la dernière
fois n’a pas rouvert depuis le cyclone. Du fait des pluies fréquentes
qu’il y a ces derniers temps, la mer est un peu plus froide.
Si je reste à Saint Domingue, en ce jour de Noël, c’est
que dans cette même cathédrale, il y a ce soir un concert
de Noël par les chœurs et orchestre de la cathédrale. Au programme,
de courtes œuvres d’auteurs de toutes les nationalités, et même
deux ou trois Dominicains. L’entrée en libre, et la cathédrale
est bondée d’une foule plus ou moins attentive à ce qu’il
se passe dans le cœur. Le résultat est somme toutes très
moyen.
« Je lisais. Que lisais-je? oh! le vieux livre austère, Le poème éternel! - La Bible? - Non, la terre. » (Victor Hugo)
Samedi 26
Départ pour Jarabacoa. Pendant l’heure et demi d’autoroute, nous
alternons sans arrêt les averses avec le grand soleil. Les autobus
roulent vraiment au mépris de tout bon sens.
Cet après-midi, nous entamons une première marche sur
la route de montagne en direction de Constanza. Nous traversons des hameaux
tranquilles (les routes en sont toujours bordées) où je me
rends compte que ces visages fermés qui regardent le touriste, ne
demande qu’à s’ouvrir d’un large sourire pour peu qu’on les y incite
d’une parole, un sourire ou un simple geste.
Ce soir, nous jouerons au Monopoly (version américaine traduite
en Espagnol) avec un jeune couple de Français en vacances ici comme
nous.
« Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles. » (Michel Lerris)
Dimanche 27
Le « Rancho Baïguate » où nous logeons propose une randonnée dans la montagne. Mais aujourd’hui, comme nous sommes seuls à vouloir la faire, ça nous coûterait trop cher. Du coup, nous allons à pied au « Salto Baïguate », une cascade d’eau boueuse en cette saison des pluies. Le sentier, me fait penser à une promenade beaucoup plus longue et jolie que j’avais faite à plusieurs reprises dans les Asturies.
« L'eau ainsi est le regard de la terre, son appareil à regarder le temps. » (Paul Claudel)
Lundi 28
Un petit sentier nous mènera en pleine brousse inexpugnable, nous trouvâmes heureusement une route pour nous en échapper. Décidément, ce pays n’est pas le paradis de la randonnée. J’ai hâte de pouvoir faire le Pico Duarte. Tout le long du chemin, nous ramassons des fleurs toutes aussi belles et inconnues les unes que les autres. Nous ramassons même une grosse orange plus qu’acide et une étrange et superbe petit fruit orange qui contenait des graines et une petite pulpe sucrée.
« Une fleur est écrite au bout de chaque doigt et le bout du chemin est une fleur qui marche avec toi. » (Tristan Tzara)
Mardi 29
Je mesure désormais, de retour à Saint Domingue, toute la tranquillité de la montagne.
« Patience, patience, Patience dans l'azur! Chaque atome de silence Est la chance d'un fruit mûr! » (Paul Valéry)
Mercredi 30
Après un passage au parc Mirador del Sur pour aller courir, nous allons avec Cira au cinéma. Après avoir attendus Cira 20 minutes, nous optons finalement pour "Mas alla de la vida y de los sueños ". Cira nous retrouva au plein milieu de la séance. Les avis sur le films furent plus que mitigés.
" La femme sera toujours le danger de tous les paradis. " (Paul Claudel)
Jeudi 31
Aujourd'hui, nous finissons à 14H, cela nous permet de tenter
d'aller visiter la grotte de " Los tres ojos " qui est malheureusement
fermée.
Ce soir, nous dînons avec Cira, Patricia, sa mère et sa
tante. Nous devions normalement nous retrouver ensuite avec tous les autres
au " café de Paris " qui vient d'ouvrir, mais je suis tellement
fatigué, que je ne résisterais pas, même en cette nouvelle
année qui vient juste de commencer à l'appel de Morphée.
" L'an, comme un cercle rond qui tout en soi retourne, En soi-même
revient toujours en mouvement Et du point de sa fin reprend commencement,
Courant d'un pied glissant qui jamais ne séjourne. " (Philippe Desportes)
Tous droits réservés 1998 ©amille Bègnis
Mise à jour le 31 décembre 1998
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