Un Méens à Santo Domingo

Journal

Août 1998


Samedi 1° aout

Levé à huit heures, pour, après un copieux petit déjeuner, partir sur la Loncha. Il s'agit d'une longue barque rapide, qui va nous mener tous les huit vers la plage de nos rêves, que l'on me fait miroiter depuis des semaines. Le pêcheur qui nous conduit sait très bien où s'arrêter pour nous faire apprécier le paysage et la transparence cristalline de l'eau surchauffée. Après plus d'une heure de route nous arrivons effectivement en vue de ce qu'il convient d'appeler une plage de carte postale: sable blanc, cocotiers, maison en palmes du même arbre, le fond descend en pente douce vers une riche barrière de corail...., cliquer pour la taille supérieure
Je ne regrette pas d'avoir emporté les palmes, et je nage un quart d'heure plus tard parmi les plus beaux poissons qu'il m'ait été donné de voir en nature, au milieux de coraux multicolores. C'est un ravissement pour les yeux et l'esprit, sauf pour le corps qui subit les assauts d'un soleil de tungstène. La variété de la faune qui s'offre à moi est fantastique et je ne peux m'empêcher de penser à la dernière plongée au large de Marseille...
La maison et la plage appartiennent à un docteur du coin. Il y a ici constamment un gardien Haitien d'une infinie gentillesse qui se propose de monter aux arbres pour nous cueillir des noix de coco. Il grimpe au tronc avec une incroyable agilité et fait tomber les grosses noix sur le sable chaud. A l'aide de sa machette, il dépèce ensuite l'animal, et c'est avec délice que nous buvons à même la noix, l'eau légèrement sucrée qui se trouve à l'intérieur.notre hote en pleine action, cliquer pour la taille supérieure

"Le paradis n'est pas sur la terre, mais il y en a des morceaux. Il y a sur la terre un paradis brisé."  (Jules Renard)

Dimanche 2

J'en ai plus que ma dose d'eau de mer et de soleil (mon dos pourpre aussi) et je préfère laisser les autres partir plonger seuls pour aller marcher le long de la cote. Elisa m'accompagne. Les alentours de Bayahibe sont beaucoup moins sauvages, et les constructions toutes plus gigantesques les unes que les autres fleurissent en bord de mer. L'investissement touristique est proportionnel à la fréquentation. les plages n'ont néanmoins rien à envier à leurs homologues européennes en matière de bronzeur au mètre carré.
Renseignement pris, la faune terrestre s'avère très limitée sur l'île hispaniola (Haiti et République Dominicaine), pas même le moindre phacochère.

"La terre est le probable paradis perdu." (Garcìa Lorca)

Lundi 3

Une journée peu efficace aprés un tel week-end, j'ai les lévres gonflées et mon dos me fera souffrir quelques jours encore. C'est vraiment trés calme en ce moment, heureusement que je peux butiner sur la toile, sinon je me demande ce que je ferais.
CE soir un eattaque de Cucaracha. Mon colocataire ne supporte vraiment pas ça; il faut avouer qu'il y a de quoi avoir des cauchemars avec ces bestioles rampantes et volantes.

"Va-t-en, chétif insecte, excrément de la terre!" (de La Fontaine)

Mardi 4

Nous devions aller au restaurant puis au bowling ce soir avec François et ses amis, mais ils sont trop fatigués. Guy est parti au cinéma, je me retrouve donc seul devant TV5...

"Solitude où je trouve une douceur secrète, Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais, Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais?" (de La Fontaine)

Mercredi 5

Aprés d'âpres négociations, j'ai réussi à obtenir ce matin de la levure de boulanger à la boulangerie du supermarché. J'espère grace à cela pouvoir faire du bon pain et de la bonne pizza.
Cet aprés midi réunion du personnel de l'ambassade (ou plutôt ce qu'il en reste en cette période).

"Plus le châtiment sera prompt et suivra de près le délit commis, plus il sera juste et utile." (de Beccaria)

Jeudi 6

Malgré les quelques boulangeries françaises aue l'on trouve ici, je n'ai pas encore mangé de bon pain. Aussi j'ai été heureux de pouvoir pétrir ma pâte et de pouvoir la faire cuire... Réunion avec les responsables de FUNREDES qui va s'occuper de la mise en route du site de l'ambassade. Si nous pouvions faire quelque chose qui se raprocherait ne serait-ce que de loin de ce que l'ambassade de France au Vietnam a fait, ce serait bien.

"En Art, j'aime la simplicité; de même, en cuisine." (Erik Satie)

Vendredi 7

Tout le monde est en congé, je dois donc me charger du courrier. La quantité de travail commence à augmenter, et pour tout arranger, je pars lundi à l'ambassade pour faire le travail de ceux qui sont partis. Guy, François et ses amis partent cet aprés midi à Montecristi, à l'autre bout du pays. Je préfere rester calmement ici pour aller visiter la zone coloniale que je traverse tous les jours sans la connaitre.

"Demain nous prendrons les routes de la vaste mer." (Horace)

Samedi 8

Après une bonne grasse matinée, Elisa me rejoint et nous partons dans la zone coloniale, le coeur historique de Santo Domingo. Etienne ne peut pas venir car il travaille sur un projet informatique. Nous visitons plusieurs sites, à commencer par l'ancienne forteresse qui protégeait le port. Juste à côté nous visitons la maison d'un illustre personnage de l'époque coloniale, un superbe Jardin envahi de non moins grandioses arbres exotiques. Un petit arrêt au "museo del jamon" histoire de se refaire une santé estomacale à coup de tapas asturiennes. Juste au-dessus nous visitons le musée de l'ambre; les gisements dominicains sont vraisemblablement très riches et possèdent des pièces très intéressantes avec des couleurs inhabituelles.
Ce soir nous mangeons avec Etienne chez Elisa, une bonne poêlée de légumes à la Provençale qui insinue quelques gouttes de nostalgie dans mon sang d'expatrié.

"Le voyage est un maître aux préceptes amers..." (Théophile Gautier)

Dimanche 9

Je passe une bonne partie de la journée à lire un livre de Gabriel Garcìa Marquez "Noticia de un secuestro". Dans l'après midi Etienne m'appelle et nous partons courir au parc "Mirador del Sur". Je n'ai jamais autant transpiré en si peu de temps...
Pour me remettre je prépare quelques choux à la crème qui font largement oublier quelques gouttes de sueur.
Les touristes rentrent ce soir pour nous apprendre que leur voiture a été ouverte et qu'on leur a volé plusieurs effets; je ne regrette pas d'être resté ici.

"La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent." (Anthelme Brillat-Savarin)

Lundi 10

Eh bien ici au moins, ça ne chôme pas.

"Les travaux interrompus restent en suspens." (Virgile)

Mardi 11

Hier soir nous sommes allés manger avec M. Jacques S. qui représente l'AFNOR, en mission ici pour une semaine. C'est la seule personne que j'ai rencontré jusqu'alors qui ne se plaigne pas des Dominicains. Il reconnaît qu'ils n'ont pas les mêmes notions de responsabilité que nous, mais prends cela comme une donnée culturelle et non pas comme un défaut racial comme beaucoup sont portés à le croire.
L'atmosphère de l'ambassade est surchauffée, pas seulement à cause des arrêts de l'air conditionné.
Ce soir j'ai crevé un pneu de mon carrosse en passant dans une ornière de char à boeufs. Bien évidemment, il n'y avait pas de clé pour démonter la roue.

"Vous dont j'ai pu laisser vieillir l'ambition dans les honneurs obscurs de quelque légion ..." (Racine)

Mercredi 12

Guy est parti ce matin pour la Martinique et m'a laissé sa clé, de sorte que j'ai pu changer ma roue tôt ce matin. Les techniciens ont réussi à redémarrer la planta, ce qui veut dire que l'on va pouvoir travailler, même pendant les trois heures d'apagones journalières. Aprés une journée d'intense travail (tiens, finalement on n'est pas si fonctionnaire que ça à l'ambassade) je passe chez le "gomero" (qui répare les pneus) et en dix minutes j'ai mon pneu à neuf pour 25 pesos! Moi je dis, Bravo.

"Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces." (Jean Paul Sartre)

Jeudi 13

Je me suis rendu compte qu'hier soir j'ai oublié d'aller à un rendez-vous. Grave erreur de ma part, j'aurais pu rencontrer beaucoup d'industriels, ça m'aurait été utile. J'espère que l'occasion se représentera. Ce soir nous sommes invités avec Régis chez un collègue de l'ambassade; c'est la deuxième fois que je rencontre des Français, expatriés ceux là depuis quatre ans, qui ne dénigrent pas les Dominicains, mais reconnaissent simplement leurs spécificités culturelles. Où l'on analyse les Français comme une race particulière.

"La poésie, c'est comme le radium; pour en obtenir un gramme, il faut des années d'effort." (Vladimir Vladimirovitch Maïakovski: Entretien sur la poésie avec un inspecteur des finances)

Vendredi 14

Aprés une dernière journée de labeur acharné à l'ambassade, je me paye quelques CD inédits à la médiathèque de la maison de France, ils ont vraiment des oeuvres fantastiques, du râga indien au concerto pour trombone, en passant par les violoneux scandinaves.

"La musique offre aux passions le moyen de jouir d'elles-mêmes." (Nietzsche)

Samedi 15

Après une bonne grasse matinée bien méritée, je m'attèle à la réalisation de ces petits pains qui sont un véritable régal en comparaison des succédanés que nous fournissent les boulangeries françaises. Cet après midi, Cira doit venir me chercher pour aller courir au parc Mirador del Sur, c'est une jeune avocate que j'ai rencontrée à la maison de France. Cette fois je résiste beaucoup mieux à la chaleur, et j'arrive à courir un peu plus, il faudrait que j'arrive à prendre un rythme régulier... Nous finirons la soirée avec sa soeur Patricia dans un restaurant italien, je me garde pour l'instant de tout commentaire sur les Dominicaines.
J'ai néammoins été agressé aujourd'hui dans l'ascenseur par une dame du troisième (ét)age qui m'a posé trois questions: "Vous habitez ici? Vous êtes étranger? Vous avez quel âge?" pour une explication: "Parceque j'ai deux filles de votre âge, et ça pourrait vous intéresser de les rencontrer..."

"Le charme: une manière de s'entendre répondre «oui» sans avoir posé aucune question claire." (Albert Camus)

Dimanche 16

Journée consacrée à la mise à jour de mon journal sur internet. Je rajoute aussi quelques photos que j'ai du mal à scanner, ce qui explique leur rareté. Il a fait très chaud cette semaine, on transpire même en ne rien faisant, c'est fatiguant. Aujourd'hui, les copains de François s'en vont et Guy revient de la Martinique.

"Le chou-fleur n'est rien d'autre qu'un chou qui est passé par l'université." (Mark Twain)
 
 




 



 
 
 
Mise à jour le 31 Juillet 1998