Samedi 1° aout
Levé à huit heures, pour, après un copieux petit
déjeuner, partir sur la Loncha. Il s'agit d'une longue barque rapide,
qui va nous mener tous les huit vers la plage de nos rêves, que l'on
me fait miroiter depuis des semaines. Le pêcheur qui nous conduit
sait très bien où s'arrêter pour nous faire apprécier
le paysage et la transparence cristalline de l'eau surchauffée.
Après plus d'une heure de route nous arrivons effectivement en vue
de ce qu'il convient d'appeler une plage de carte postale: sable blanc,
cocotiers, maison en palmes du même arbre, le fond descend en pente
douce vers une riche barrière de corail.
Je ne regrette pas d'avoir emporté les palmes, et je nage un
quart d'heure plus tard parmi les plus beaux poissons qu'il m'ait été
donné de voir en nature, au milieux de coraux multicolores. C'est
un ravissement pour les yeux et l'esprit, sauf pour le corps qui subit
les assauts d'un soleil de tungstène. La variété de
la faune qui s'offre à moi est fantastique et je ne peux m'empêcher
de penser à la dernière plongée au large de Marseille...
La maison et la plage appartiennent à un docteur du coin. Il
y a ici constamment un gardien Haitien d'une infinie gentillesse qui se
propose de monter aux arbres pour nous cueillir des noix de coco. Il grimpe
au tronc avec une incroyable agilité et fait tomber les grosses
noix sur le sable chaud. A l'aide de sa machette, il dépèce
ensuite l'animal, et c'est avec délice que nous buvons à
même la noix, l'eau légèrement sucrée qui se
trouve à l'intérieur.
"Le paradis n'est pas sur la terre, mais il y en a des morceaux. Il y a sur la terre un paradis brisé." (Jules Renard)
Dimanche 2
J'en ai plus que ma dose d'eau de mer et de soleil (mon dos pourpre
aussi) et je préfère laisser les autres partir plonger seuls
pour aller marcher le long de la cote. Elisa m'accompagne. Les alentours
de Bayahibe sont beaucoup moins sauvages, et les constructions toutes plus
gigantesques les unes que les autres fleurissent en bord de mer. L'investissement
touristique est proportionnel à la fréquentation. les plages
n'ont néanmoins rien à envier à leurs homologues européennes
en matière de bronzeur au mètre carré.
Renseignement pris, la faune terrestre s'avère très limitée
sur l'île hispaniola (Haiti et République Dominicaine), pas
même le moindre phacochère.
"La terre est le probable paradis perdu." (Garcìa Lorca)
Lundi 3
Une journée peu efficace aprés un tel week-end, j'ai les
lévres gonflées et mon dos me fera souffrir quelques jours
encore. C'est vraiment trés calme en ce moment, heureusement que
je peux butiner sur la toile, sinon je me demande ce que je ferais.
CE soir un eattaque de Cucaracha. Mon colocataire ne supporte vraiment
pas ça; il faut avouer qu'il y a de quoi avoir des cauchemars avec
ces bestioles rampantes et volantes.
"Va-t-en, chétif insecte, excrément de la terre!" (de La Fontaine)
Mardi 4
Nous devions aller au restaurant puis au bowling ce soir avec François et ses amis, mais ils sont trop fatigués. Guy est parti au cinéma, je me retrouve donc seul devant TV5...
"Solitude où je trouve une douceur secrète, Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais, Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais?" (de La Fontaine)
Mercredi 5
Aprés d'âpres négociations, j'ai réussi à
obtenir ce matin de la levure de boulanger à la boulangerie du supermarché.
J'espère grace à cela pouvoir faire du bon pain et de la
bonne pizza.
Cet aprés midi réunion du personnel de l'ambassade (ou
plutôt ce qu'il en reste en cette période).
"Plus le châtiment sera prompt et suivra de près le délit commis, plus il sera juste et utile." (de Beccaria)
Jeudi 6
Malgré les quelques boulangeries françaises aue l'on trouve ici, je n'ai pas encore mangé de bon pain. Aussi j'ai été heureux de pouvoir pétrir ma pâte et de pouvoir la faire cuire... Réunion avec les responsables de FUNREDES qui va s'occuper de la mise en route du site de l'ambassade. Si nous pouvions faire quelque chose qui se raprocherait ne serait-ce que de loin de ce que l'ambassade de France au Vietnam a fait, ce serait bien.
"En Art, j'aime la simplicité; de même, en cuisine." (Erik Satie)
Vendredi 7
Tout le monde est en congé, je dois donc me charger du courrier. La quantité de travail commence à augmenter, et pour tout arranger, je pars lundi à l'ambassade pour faire le travail de ceux qui sont partis. Guy, François et ses amis partent cet aprés midi à Montecristi, à l'autre bout du pays. Je préfere rester calmement ici pour aller visiter la zone coloniale que je traverse tous les jours sans la connaitre.
"Demain nous prendrons les routes de la vaste mer." (Horace)
Samedi 8
Après une bonne grasse matinée, Elisa me rejoint et nous
partons dans la zone coloniale, le coeur historique de Santo Domingo. Etienne
ne peut pas venir car il travaille sur un projet informatique. Nous visitons
plusieurs sites, à commencer par l'ancienne forteresse qui protégeait
le port. Juste à côté nous visitons la maison d'un
illustre personnage de l'époque coloniale, un superbe Jardin envahi
de non moins grandioses arbres exotiques. Un petit arrêt au "museo
del jamon" histoire de se refaire une santé estomacale à
coup de tapas asturiennes. Juste au-dessus nous visitons le musée
de l'ambre; les gisements dominicains sont vraisemblablement très
riches et possèdent des pièces très intéressantes
avec des couleurs inhabituelles.
Ce soir nous mangeons avec Etienne chez Elisa, une bonne poêlée
de légumes à la Provençale qui insinue quelques gouttes
de nostalgie dans mon sang d'expatrié.
"Le voyage est un maître aux préceptes amers..." (Théophile Gautier)
Dimanche 9
Je passe une bonne partie de la journée à lire un livre
de Gabriel Garcìa Marquez "Noticia de un secuestro". Dans l'après
midi Etienne m'appelle et nous partons courir au parc "Mirador del Sur".
Je n'ai jamais autant transpiré en si peu de temps...
Pour me remettre je prépare quelques choux à la crème
qui font largement oublier quelques gouttes de sueur.
Les touristes rentrent ce soir pour nous apprendre que leur voiture
a été ouverte et qu'on leur a volé plusieurs effets;
je ne regrette pas d'être resté ici.
"La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent." (Anthelme Brillat-Savarin)
Lundi 10
Eh bien ici au moins, ça ne chôme pas.
"Les travaux interrompus restent en suspens." (Virgile)
Mardi 11
Hier soir nous sommes allés manger avec M. Jacques S. qui représente
l'AFNOR, en mission ici pour une semaine. C'est la seule personne que j'ai
rencontré jusqu'alors qui ne se plaigne pas des Dominicains. Il
reconnaît qu'ils n'ont pas les mêmes notions de responsabilité
que nous, mais prends cela comme une donnée culturelle et non pas
comme un défaut racial comme beaucoup sont portés à
le croire.
L'atmosphère de l'ambassade est surchauffée, pas seulement
à cause des arrêts de l'air conditionné.
Ce soir j'ai crevé un pneu de mon carrosse en passant dans une
ornière de char à boeufs. Bien évidemment, il n'y
avait pas de clé pour démonter la roue.
"Vous dont j'ai pu laisser vieillir l'ambition dans les honneurs obscurs de quelque légion ..." (Racine)
Mercredi 12
Guy est parti ce matin pour la Martinique et m'a laissé sa clé, de sorte que j'ai pu changer ma roue tôt ce matin. Les techniciens ont réussi à redémarrer la planta, ce qui veut dire que l'on va pouvoir travailler, même pendant les trois heures d'apagones journalières. Aprés une journée d'intense travail (tiens, finalement on n'est pas si fonctionnaire que ça à l'ambassade) je passe chez le "gomero" (qui répare les pneus) et en dix minutes j'ai mon pneu à neuf pour 25 pesos! Moi je dis, Bravo.
"Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces." (Jean Paul Sartre)
Jeudi 13
Je me suis rendu compte qu'hier soir j'ai oublié d'aller à un rendez-vous. Grave erreur de ma part, j'aurais pu rencontrer beaucoup d'industriels, ça m'aurait été utile. J'espère que l'occasion se représentera. Ce soir nous sommes invités avec Régis chez un collègue de l'ambassade; c'est la deuxième fois que je rencontre des Français, expatriés ceux là depuis quatre ans, qui ne dénigrent pas les Dominicains, mais reconnaissent simplement leurs spécificités culturelles. Où l'on analyse les Français comme une race particulière.
"La poésie, c'est comme le radium; pour en obtenir un gramme, il faut des années d'effort." (Vladimir Vladimirovitch Maïakovski: Entretien sur la poésie avec un inspecteur des finances)
Vendredi 14
Aprés une dernière journée de labeur acharné à l'ambassade, je me paye quelques CD inédits à la médiathèque de la maison de France, ils ont vraiment des oeuvres fantastiques, du râga indien au concerto pour trombone, en passant par les violoneux scandinaves.
"La musique offre aux passions le moyen de jouir d'elles-mêmes." (Nietzsche)
Samedi 15
Après une bonne grasse matinée bien méritée,
je m'attèle à la réalisation de ces petits pains qui
sont un véritable régal en comparaison des succédanés
que nous fournissent les boulangeries françaises. Cet après
midi, Cira doit venir me chercher pour aller courir au parc Mirador del
Sur, c'est une jeune avocate que j'ai rencontrée à la maison
de France. Cette fois je résiste beaucoup mieux à la chaleur,
et j'arrive à courir un peu plus, il faudrait que j'arrive à
prendre un rythme régulier... Nous finirons la soirée avec
sa soeur Patricia dans un restaurant italien, je me garde pour l'instant
de tout commentaire sur les Dominicaines.
J'ai néammoins été agressé aujourd'hui
dans l'ascenseur par une dame du troisième (ét)age qui m'a
posé trois questions: "Vous habitez ici? Vous êtes étranger?
Vous avez quel âge?" pour une explication: "Parceque j'ai deux filles
de votre âge, et ça pourrait vous intéresser de les
rencontrer..."
"Le charme: une manière de s'entendre répondre «oui» sans avoir posé aucune question claire." (Albert Camus)
Dimanche 16
Journée consacrée à la mise à jour de mon journal sur internet. Je rajoute aussi quelques photos que j'ai du mal à scanner, ce qui explique leur rareté. Il a fait très chaud cette semaine, on transpire même en ne rien faisant, c'est fatiguant. Aujourd'hui, les copains de François s'en vont et Guy revient de la Martinique.
"Le chou-fleur n'est rien d'autre qu'un chou qui est passé par
l'université." (Mark Twain)
Mise à jour le 31 Juillet 1998
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